- Non classés
- chat, sorcière, formule, magie, fiction, transformation
Quand je me transformais en chat, c'était comme si je me dépouillais de tout le superflu, de ces longues jambes maladroites, de ces ridicules bras chétifs. J'avais la sensation d'avoir été concentrée, réduite au strict nécessaire, de ne même plus être constituée de chair et d'os.
J'avais la sensation d'être faite d'acier liquide. Je n'éprouvais pas la peur de la musaraigne, et non plus la totale assurance de l'aigle.
C'était différent. Il y avait de la peur bien sûr. Mais sous la peur, il y avait de l'assurance. Le chat savait qu'il avait des ennemis partout. Mais il savait également qu'il était capable de faire face. Je me sentais... dure. Voilà le bon mot, dure!
J'étais indépendante. J'étais entière. Je n'avais besoin de rien hormis de moi-même. Une condition bien solitaire aux yeux de mon moi humain mais, en même temps, tout cela baignait dans une profonde sérénité.
Quand mes amis me demandaient à quoi ça ressemble, je répondais presque toujours de la même façon:
"C'est comme... Vous savez dans ces vieux films de cow-boys avec Clint Eastwood? Où c'est un roi de la gachette, et quand il entre dans le saloon, tout le monde s'écarte sur son passage. Parce que même s'il ne cherche pas vraiment la bagarre, on comprend qu'il vaut mieux ne pas l'énerver. C'est à ça que ça ressemble. C'est comme si j'étais Clint Eastwood."
Il n'est plus grande douleur que d'être un ange en enfer, alors qu'un diable est chez lui partout...
Martin page
Il y a de ces rencontres éphémères parfois qui marquent pour longtemps ...
J’étais assis à la bibliothèque, à lire et relire des passages ennuyeux d’un livre dont je devais faire le compte rendu. C’est alors qu’il entra discrètement. Il s’adressa tout bas à la bibliothécaire qui acquiesça, avant de s’éloigner avec un chariot. C’était à ma connaissance un prof de français remplaçant, d'un genre particulier paraît-il, qui enseignait au groupe de dernière année.
Il s’approcha de moi, en remarquant le roman que je lisais et mon air dépité.
- Ah! Un bon vieux Kafka, dit-il en se laissant tombé sur une chaise devant moi. C’est quel titre? “Le procès”, bien sûr, un classique! Alors, comment tu trouves ça?
J’ignore ce qui me poussa à la franchise. Je lui expliquai que j’en étais à peine à quelques pages que je trouvais déjà ça terriblement ennuyeux. C’était encore pour un de ces devoirs de français barbants qui risquait de me valoir un échec… Il m’écoutait avec attention, mes propos ne semblant pas le choquer le moins du monde. Il prit le livre et le feuilleta quelques instants, concentré, puis il s’exclama:
- Ah, voilà qui n’est pas pour t’aider! Tu vois, ça c’est la première partie, dans laquelle un grand analyste littéraire (il mimait une personne hautaine ajustant son monocle) explique en détail ses travaux de recherches, sa vision, son interprétation, son analyse, ses opinions et tout un tas d’autres trucs dont on se fout complètement.
Il arracha brusquement cette première portion du livre. Il feuilleta rapidement, et d’un nouveau geste brusque, arracha le dernier tiers du livre.
- Et ça c’était la dernière partie, qui cite des sources, des biographies, des extraits de correspondances de l’auteur, et tout un tas d’autres trucs qui sont absolument sans intérêt pour le devoir que tu dois faire.
Apercevant la bibliothécaire totalement médusée, qui était de retour avec son chariot, il jeta devant moi ce qui restait du livre en se levant:
- Voilà, maintenant tu peux lire en paix ce que ce pauvre Kafka voulait te raconter et t'en faire ta propre idée. Ça devrait te donner un coup de main. Réessaie et si tu veux en jaser ensuite, passes me voir, je suis tous les midis au local P-250.
Il jeta au recyclage en passant les deux parties de livre qu’il avait arrachées...
Je n’eus jamais l’occasion de lui reparler de mon devoir. Son côté mouton noir et ses manières peu orthodoxes ont mené à son congédiement quelques jours plus tard… À la déception des élèves de dernière année, un autre remplaçant prit la place, apparemment un prof poussiéreux de la vieille école qui se contre-foutait prodigieusement de l’intéret de son groupe...
La plupart des grandes épopées humaines ont eu lieu d'est en ouest. De tout temps, l'homme a suivi la course du soleil, s'interrogeant sur le lieu où s'abîmait la boule de feu. Ulysse, Christophe Colomb, Attila... tous ont cru qu'à l'ouest était la solution. Aller vers l'ouest, c'est vouloir connaître le futur.
Mais si certains se sont demandé où allait le Soleil, d'autres ont voulu savoir d'où il venait. Aller vers l'est, c'est vouloir connaître les origines du soleil mais aussi ses siennes propres. Marco Polo, Napoléon, Bilbo le Hobbit sont des personnages de l'Est. Ils ont cru que s'il y avait quelque chose à découvrir, c'était là-bas, loin derrière, où tout commence y compris les journées.
Dans la symbolique des aventuriers, il reste encore deux directions. En voici la signification:
Aller vers le nord, c'est chercher des obstacles pour mesurer sa propre force.
Aller vers le sud, c'est rechercher le repos et l'apaisement.
La rivière qui bordait le village menaçait déjà de déborder, et la pluie torrentielle qui sévissait depuis trois jours rendait l’inondation totale inévitable. L’ordre d’évacuation fut décrété.
Les militaires vinrent chercher les habitants et les embarquèrent dans des camions pour les emmener en lieu sûr. Quand ils entrèrent dans l’église pour prendre le curé du village, celui-ci refusa de partir.
- Ne vous en faites pas pour moi. Ma foi en dieu me sauvera.
Les militaires insistaient, mais rien à faire. Ils hésitaient à l’emmener de force, mais finalement partirent aider d’autres villageois.
L’eau avait beaucoup monté. Tout le monde était parti. Le curé voyait le plancher de l’église s’inonder progressivement. Il priait.
Alors une barque pénétra par la grande porte. Quelques paroissiens qui n’étaient pas partis avec l’armée avaient finalement compris qu’il était trop dangereux de rester. Ensemble il faisait le tour du village pour s’assurer que tout le monde avait évacué. Apercevant le curé, ils insistèrent pour le faire monter dans la barque. Il devenait terriblement risqué de rester sur place.
- Partez en paix, ne vous en faites pas pour moi. Ma foi en dieu me sauvera.
Le courant devenu intense obligea les villageois à abandonner le curé sans plus insister. Le niveau d’eau montait toujours, si bien que le curé dut bientôt se réfugier dans le clocher de son église.
Alerté par les derniers villageois, on dépêcha sur place des secouristes d’un corps international en hélicoptère. Ils lâchèrent une échelle de corde au-dessus du clocher en implorant le curé de se rendre à l’évidence.
- Ma foi en Dieu me sauvera, ne vous en faites pas…
Alors les fondations succombèrent et l’église s’effondra. Le curé prisonnier de son clocher sous plusieurs mètres d’eau se noya…
Quand le curé rencontra Dieu, il lui dit:
- Seigneur pourquoi ne m’as-tu pas aidé, moi qui avais une foi inébranlable en toi.
Dieu répondit:
- Tu as refusé par trois fois mon aide! Que pouvais-je faire de plus?
Rien ne transforme comme la parole...
Rien ne transforme comme le silence...